L’invention du quotidien
De Certeau, Michel. 1990. L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. Éditions Gallimard. Folio essais. Paris. 349 p.
Résumé
La Raison technicienne croit savoir comment organiser au mieux les choses et les gens, assignant à chacun une place, un rôle, des produits à consommer. Mais l’homme ordinaire se soustrait en silence à cette conformation. Il invente le quotidien grâce aux arts de faire, ruses subtiles, tactiques de résistance par lesquelles il détourne les objets et les codes, se réapproprie l’espace et l’usage à sa façon. Tours et traverses, manières de faire des coups, astuces de chasseurs, mobilités, mises en récit et trouvailles de mots, mille pratiques inventives prouvent, à qui sait les voir, que la foule sans qualité n’est pas obéissante et passive, mais pratique l’écart dans l’usage des produits imposés, dans une liberté buissonnière par laquelle chacun tâche de vivre au mieux l’ordre social et la violence des choses. Michel de Certeau, le premier, restitua, voilà dix ans, les ruses anonymes des arts de faire, cet art de vivre la société de consommation. Vite devenues classiques, ses analyses pionnières ont inspiré historiens, philosophes et sociologues.
Fiche de lecture écrite par Sophie Chavanel
Mots-clés
Michel De Certeau, nouveaux objets, usages, appropriation, TIC.
Mise en contexte
Avec cet ouvrage, Michel de Certeau est considéré comme le pionnier des études des usages sociaux des technologies de l’information et des communications (TIC) avec l’approche dite de l’appropriation, qui s’intéresse à l’introduction de ces nouveaux objets dans la vie sociale quotidienne.
Revue de littérature et cadre théorique
Dans cet ouvrage, le postulat de base de De Certeau est que les gens ordinaires ne sont pas un bloc homogène et leurs pratiques quotidiennes sont observables. Au cœur de son cadre théorique se trouve la notion d’usage réel (tactique) : ce que les consommateurs fabriquent avec les produits, espaces, images imposés par les fabricants. Cet usage réel n’est pas nécessairement en contradiction avec leur usage prescrit (stratégique) mais comporte à tout le moins un écart. De Certeau pose une distinction claire entre les « manières d’employer », pensées par les fabricants et celles des pratiquants, ce qu’il appelle l’appropriation. C’est sur cet écart que se penche son livre.
Méthodologie
Enquête descriptive sur des manières de faire sélectionnées : lecture, pratiques d’espaces urbains, les usages de la langue, les manières de croire.
Résultats
Au cœur des observations de Michel de Certeau se retrouve celle selon laquelle les gens ordinaires, les usagers de produits (culturels, médiatiques ou autres), ne sont pas passifs. Une observation qui à l’époque apporte un regard nouveau aux études sociologiques et aux études sur les médias et les communications. Selon les observations de l’auteur, les gens ordinaires font preuve de créativité à travers les produits qui leurs sont imposés et c’est principalement le besoin qui entraîne cette créativité.
Discussion : pistes de réflexion
Si les écrits de de Certeau offrent des outils intéressants pour l’observation des usages sociaux des technologies de l’information (TIC) et des études de la réception médiatique, ils ne portent pas précisément sur les médias audio-visuels, objet médiatique principal de son époque, et encore moins sur les technologies de l’information qui n’en étaient qu’à leurs premiers balbutiements lors de la rédaction de cet ouvrage. Or, la communauté scientifique lui attribue le statut de pionnier dans les études de la réception en communication. Un bémol, toutefois : son style littéraire très alambiqué rend son ouvrage difficile d’accès.