Observatoire des médias sociaux en relations publiques

Fiches de lecture

L’intégration sociale des technologies d’information et de communication

Mallein Philippe et Yves Toussaint. 1994. L’intégration sociale des technologies d’information et de communication. Une sociologie des usages. Technologies de l’information et société. no. 4. p. 315-335.

Résumé de l’auteur

Cet article a pour but de présenter une grille d’analyse sociologique de l’usage des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) élaborée à partir de la synthèse de travaux que nous avons effectués au cours de la dernière décennie (sur les significations d’usage : du magnétoscope grand public, de Télétel 3V dans l’expérimentation de Vélizy, du Minitel – annuaire électronique -, de la micro-informatique en milieu professionnel urbain et rural, du Minitel à usage professionnel – organismes de gestion de l’habitat social, organismes agricoles -, de produits et services de téléinformation interactive, de serveurs Minitel grand public et professionnels d’un CD-Rom à usage professionnel, etc.

Face à un nouveau dispositif technologique, de manières plus ou moins explicite et consciente, les usages effectuent une sorte de procès en légitimité de son usage. De l’issue de ce procès dépendront les conditions d’intégration sociale de la nouvelle technologie de l’information et de la communication.

Ces travaux ont montré en effet que l’insertion sociale d’une NTIC, son intégration à la quotidienneté des usages, dépendraient moins de ses qualités techniques intrinsèque, de ses performances et de sa sophistication, que des significations d’usage projetées et construites par les usagers sur le dispositif technique qui leur était proposé.

Fiche de lecture réalisée par Sophie Chavanel

Mots-clés


Communication, nouvelles technologies de l’information et de communication, appropriation, significations d’usage, déterminisme social, déterminisme technique, sociologie des usages, banalisation, idéalisation, substitution, hybridation, identité passive, identité active, évolution sociale, révolution sociale.

Mise en contexte


Selon les auteurs, les NTIC constituent un terrain privilégié pour l’analyse de l’évolution et des changements profonds de la société. Elles instaurent, selon les observations des auteurs, par le biais de la technique, de nouveaux modèles d’échange social qui viennent se greffer sur des formes qui leur préexistent, mais aussi sans doute, les préfigurent. Forts de quinze années de recherche sur les usages sociaux des NTIC, ils proposent donc ici une synthèse de leurs travaux.

Revue de littérature et cadre théorique


Dans une démarche s’inscrivant dans la sociologie des usages, les auteurs se basent principalement sur leurs propres écrits antérieurs pour construire leur revue de la littérature.

Parmi le lot, les auteurs font référence au texte de Mallein, Toussaint, Marchandier et Zamponi (1985) sur les rationalités de construction de l’offre technologique (socio-technique et techno-sociale). Ils mentionnent également les travaux de Mallein, Toussaint et Bidlowski (1984) sur la télématique pour aborder le concept de la banalisation, qui constitue un critère de la diffusion réussie des NTIC. Ils font aussi mention des travaux de Vélize (1981-1983), sur la télématique et le Télétel 3V, pour illustrer les concepts d’idéalisation, de substitution, de révolution sociale et d’identité passive. Les travaux de Baboulin et alii, 1981) sur le magnétoscope font également l’objet d’une mention en lien avec le concept d’évolution sociale et enfin, ceux de Froger et Mallein (1992) sur le CD-Reef en lien avec le concept d’identité active.

Démarche méthodologique


Synthèse de différents travaux d’analyse empirique des auteurs étalés sur une quinzaine d’années.

Résultats


Les études de Mallein et Toussaint notamment sur le magnétoscope et l’informatique ont démontré que l’apparition de nouvelles pratiques se greffe sur le passé, sur des routines, sur des survivances culturelles qui perdurent et continuent à se transmettre bien au-delà de leur apparition. Leurs travaux démontrent aussi que l’intégration sociale des NTIC au quotidien des usagers dépend moins de ses caractéristiques techniques intrinsèques et de ses performances que des significations d’usage projetées et construites pas les usagers, sur le dispositif technique. De plus, face à un nouveau dispositif technique, d’une manière plus ou moins explicite ou consciente, les usagers effectuent une sorte de procès en légitimité de son usage, prenant ainsi une forme d’interaction offre-demande.

Les auteurs constatent que deux types de rationalités guident la construction de l’offre technique : une rationalité socio-technique qui est une démarche de rétroaction entre le sociale et le technique et une rationalité techniciste qui est une démarche d’impact de la technique sur le social. De ces deux rationalités, les auteurs tirent un certain nombre de concepts qui s’opposent qui constituent leur grille d’analyse sociale des usages des NTIC. Du côté de l’usage et de la rationalité socio-technique, on retrouve les concepts de banalisation, hybridation, évolution et identité active. De l’autre, du côté de l’usage et de la rationalité techno-sociale ou techniciste, on retrouve : l’idéalisation, la substitution, la révolution sociale et l’identité passive.

Discussion : pistes de réflexion


La grille d’analyse conceptuelle proposée par les auteurs permet de s’écarter des deux tendances de discours qui soit, font l’apogée de la technique comme outil d’accomplissement social et de réactivation du lien social, ou au contraire, qui versent dans la prophétique apocalyptique de perte du lien social. Contrairement à d’autres auteurs tels que Breton et Proulx (2012) qui favorisent dorénavant une approche plus nuancée entre déterminisme technique et social, dans cet effort de conceptualisation bien documenté, Mallein et Toussaint penchent plutôt du côté d’une rationalité socio-technique.