L’espace public et l’internet. Structure, espace et communication

Dahlgren, Peter. 2000. « L’espace public et l’internet. Structure, espace et communication ». Réseaux, 157-186.

Résumé

L’auteur examine le rôle joué par ce nouveau média de masse qu’est Internet dans l’évolution des espaces publics des démocraties occidentales. Tiraillé entre le marché et la communication, entre agir communicationnel et agir stratégique, le « Net » est étudié du point de vue des trois dimensions caractéristiques de l’espace public : le niveau structurel, le niveau spatial et le niveau communicationnel. Les pratiques communicatives déterritorialisées qui naissent sur Internet génèrent une pluralité de sphères publiques, dont le poids politique ne doit cependant pas être surestimé. Quoique nourrissant surtout les échanges entre les membres des élites, Internet tend à soutenir le développement de la construction européenne, en favorisant les échanges transnationaux.

Fiche de lecture réalise par Sophie Chavanel

Mots-clés

Espace public, internet, démocratie, Peter Dahlgren

Keywords

Public spheres, democraty, internet, Peter Dahlgren

Mise en contexte

L’auteur se penche sur le rôle joué par Internet dans l’évolution des espaces publics des démocraties occidentales, en se basant sur le concept tel que présenté par Habermas, qui a donné lieu à plusieurs études critiques. La formulation originale d’Habermas fait de l’espace public le lieu de formation de la volonté politique via un flux d’informations pertinentes et d’idées. Cette vision idéalisée de l’espace public est revisitée par Dahlgren avec l’arrivée des médias électroniques et plus particulièrement, Internet.

Revue de littérature et cadre théorique

Selon Dahlgren, l’Internet apparaît aujourd’hui comme une extension des médias de masse, notamment parce qu’ils produisent une importante partie de son contenu. Une particularité de ce média, explique l’auteur, est le fait qu’il s’agit autant d’une plate-forme de communication interactive (one-to-many, many-to-many) que dyadique. Cette particularité multimodale fait que les frontières entre le public et le privé sont plus floues. Aussi, en l’absence d’une structure de service public, le développement de l’Internet devient socialement biaisé. Le profil sociologique des usagers de l’Internet est délimité et il y a un certain nivelage des différences sociales entre les utilisateurs et non-utilisateurs. Dans le cadre de cette analyse, Dahlgren approche l’Internet selon trois dimensions caractéristiques de l’espace public : le niveau structurel, spatial et communicationnel.

Dimension structurelle

Selon la dimension structurelle, l’espace public repose sur l’idée d’universalité, une norme qui le voudrait accessible à tout citoyen. Mais dans la pratique, la réalité est toute autre. Les caractéristiques institutionnelles sont un paramètre important de l’espace public dont les médias représentent l’un des aspects majeurs qui répond à des exigences propres : politique des médias et force du marché. L’espace public est également fondé sur des caractéristiques sociales et structurelles qui influencent l’interaction et l’engagement citoyen desquels dépend la qualité de la démocratie.

Dimension spatiale

Partant du constat que la question spatiale est définie par le fait que les limites de la géographie des États-Nations sont outrepassées, l’auteur observe que la constitution d’espace sociaux via les technologies de la communication moderne, s’affranchit dans l’espace. Rappelant que pour Habermas, dans le paysage social actuel, l’espace public est une myriade insaisissable d’espaces communicatifs distincts et entrelacés, l’auteur propose plutôt de convenir que les frontières de l’espace public sont poreuses et soumises à d’incessants changements.

Dimension de l’action communicationnelle

Dans cette perspective elle aussi tirée de la théorie des système d’Habermas, l’espace public est vu comme la négociation discursive des normes et des valeurs fondées sur l’intersubjectivité et la compétence linguistique et culturelle. Cette perspective suppose une certaine réciprocité.

Démarche méthodologique

De manière analytique et dans une perspective critique de la communication, l’auteur se penche sur la notion d’espace public à l’ère du Web en se basant sur les écrits d’Habermas. Il commence par rappeler l’argumentation originale d’Habermas. Il examine ensuite la notion d’espace publique à travers trois dimensions : structurelles, spatiales et communicationnelles et transpose ensuite cette réflexion sur l’Internet. Enfin, il conclut sur quelques pistes de réflexion sur l’impact de l’Internet sur un espace public spécifique qu’est celui de l’Union européenne.   

Discussion : pistes de réflexion

Gardant en tête que le texte a été publié en 2000, avant la popularisation des médias sociaux, il apporte tout de même un éclairage pertinent sur l’espace public à l’ère de l’Internet, notamment en terme de spatialité. Selon l’auteur, il existe un clivage social entre les utilisateurs et non-utilisateurs d’Internet. Ce fossé numérique rend l’espace public moins public et vient poser un bémol à l’affirmation répandue à l’effet qu’Internet démocratise l’espace public. Face à ce questionnement, l’auteur avance plutôt que c’est l’espace communicationnel qui s’élargit. Une observation d’autant plus pertinente dans le cadre d’études comparatives entre pays à différents stades de développement.