Les absents ont tort : la crise des sacs gonflables Takata
Retour à la liste des articlesEntrée écrite par : Alexandre Boutet Dorval
Nous avons souvent discuté sur ce blogue du rôle de la confiance au centre de toutes démarches de relations publiques. Parmi les industries pour lesquelles le concept de confiance est primordial, on retrouve bien sûr l’industrie automobile. Les véhicules automobiles sont très complexes et leur usage est risqué. Le lien de confiance entre les clients et les fabricants est primordial. C’est pourquoi la gestion des crises dans cette industrie est si délicate. On en a eu un exemple éloquent avec Toyoya, il y a quelques années. Nous en avons maintenant un nouveau avec Takata, le fabriquant de sacs gonflables défectueux qui ont causé le plus grand rappel de produits de l’histoire de l’automobile. Jusqu’à 34 millions de véhicules seraient rappelés. Malgré les propos rassurants des fabricants, le New-York Times rapportait six morts et plusieurs dizaines de blessés en février dernier.
Comment la crise a-t-elle été gérée?
Selon PR Daily, qui en a fait la une de sa section Crisisce mercredi, la compagnie Takata, après avoir longtemps refusé le rappel de ses produits, a annoncé aujourd’hui par voie de communiqué qu’elle demandait le rappel de ses produits à travers les fabricants d’automobiles, comme Honda, Nissan et Toyota. La compagnie a déposé le communiqué en format PDF sur son site Web et l’a encadré d’un filet rouge pour insister sur l’importance de la nouvelle.
Malgré son refus de coopérer plus tôt à un rappel à grande échelle, la compagnie a émis plusieurs communiqués rappelant son engagement à la sécurité du public, et a publié plusieurs lettres ouvertes dans les médias américains et allemands, là où la menace de crise semblait plus forte.
Et les médias sociaux?
C’est là où le bât blesse. Takata est une compagnie de type business-to-business (B2B). Ces compagnies ont été plus lentes à se tailler une place dans les médias sociaux. On peut les comprendre : elles sont généralement invisibles au grand public, ne faisant généralement affaire qu’à quelques clients corporatifs. Takata a dû considérer comme publics uniquement ses clients et ses concurrents. On peut voir toute la faiblesse de cette stratégie en situation de crise. Car une recherche nous le confirme : la compagnie Takata n’a pas de présence institutionnelle visible dans les médias sociaux.
Alors que les médias d’information partout dans le monde relaient la nouvelle à toute vitesse, les mots-clic #Takata, #airbag et #recall croissent en popularité. On peut retrouver des pages Facebook datant de plus d’un an réclamant des dédommagements et le rappel des produits. Le monde entier fait publiquement le procès de l’organisation dans les médias sociaux, et celle-ci n’est pas en mesure de se défendre. On dit que les absents ont tort. C’est d’autant plus vrai dans les médias sociaux.
À défaut d’avoir une présence sociale, on aurait pu s’attendre de la part de la compagnie un effort quant à son site Web. À part quelques communiqués de presse (dont le dernier encadré en rouge), le site Web de Takata est inchangé. On retrouve les mêmes images réconfortantes d’enfants à bord de véhicules, les mêmes engagements envers la sécurité du consommateur et les mêmes logos de partenaires. Nul besoin de dire que ces contenus semblent bien inappropriés dans leur nouveau contexte.
Dans la conception du site de l’OMSRP, on a choisi comme texte d’accueil une question formulée par Brian Solis : « Peut-on être antisocial à l’heure des médias sociaux ? » La compagnie de sacs gonflables vient de découvrir que non. Être une compagnie de B2B n’est plus une excuse suffisante. Toutes les compagnies (spécialement celles qui dépendent de la confiance des publics) doivent être présentes pour répondre aux questions et aux préoccupations de leurs clientèles.
La crise Takata a tout ce qu’il faut pour devenir un cas d’étude. Une chose est sûre, on n’a pas fini d’en entendre parler.