La démocratisation d’Internet et la logique bidirectionnelle des médias sociaux ont truffé le Web de pièges pour les organisations s’y aventurant sans en comprendre la complexité. Représentant deux de ces épées de Damoclès, la rapidité de propagation de l’information ainsi que la déformation contextuelle sont à l’origine de bien des bad buzz et ont fait de nombreuses victimes. Caractérisé comme « un phénomène de bouche-à-oreille négatif se déroulant essentiellement sur Internet », ces crises « sont très souvent le résultat de campagnes de communication hasardeuses, de déclinaisons délicates, voire d’attitudes peu éthiques » (Boussicaud et Dupin, 2013 : 28). Nul besoin de mentionner que le Web et les internautes en raffolent littéralement !
New Balance : cas typique de bad buzz
Avec l’élection récente du 45e président des États-Unis, l’organisation New Balance l’a appris à ses dépens. C’est que l’un des dirigeants de la marque a fait une citation maladroite lors d’une entrevue et que, prise hors contexte, elle a enflammé la twittosphère. Rapidement, des vidéos d’internautes brulant des espadrilles de la marque ont souillé le Web. L’auteur Quentin Deleruelle rappelle alors l’importance du timing en communication. « Il y a quelques semaines, cette déclaration n’aurait pas provoqué le même effet [...], mais dans une situation où le pays connaît une période d’incertitudes et de protestation [...], New Balance a donné aux opposants du président une nouvelle manière symbolique de protestation : brûler des chaussures » (2016 : En ligne). Cette tempête soudaine et éphémère illustre un cas typique de bad buzz occasionné par une citation maladroite !
De nombreux tristes exemples de citations inappropriées ont éclaboussé la toile. Il suffit de se remémorer les propos du directeur général de Abercrombie & Fitch sur les obèses, ceux du PDG des pâtes Barilla concernant les homosexuels ou encore la crise #ditesleavecNutella et les termes détournés pour constater qu’aucune marque n’est immunisée vis-à-vis les médias sociaux.
Réappropriation des crises
En revanche, les bad buzz n’ont pas que des potentialités perverses. Malgré que cette pratique représente un certain risque sur le plan de la crédibilité, plusieurs organisations orchestrent volontairement des crises légères sur Internet afin que les diverses communautés s’approprient ces bourdes et les détournent. « L’objectif est de faire parler de la marque de manière négative, mais sur un sujet léger, dans le but de se servir de cette soudaine visibilité pour accroître sa notoriété de manière positive » (Dupin dans Charest, Lavigne et Moumouni, 2015 : 208). Pratique originale ou téméraire ? Quoi qu’il en soit, il est impératif pour les initiateurs d’être à l’affût des développements afin d’éviter que les organisations concurrentes ne dénichent la supercherie et s’en empare afin de servir ses propres intérêts. Une telle opération exige donc une excellente culture du Web et une bonne connaissance des comportements des utilisateurs.
Dans son étude de cas portant sur la réappropriation des crises dans les médias sociaux, Dupin conclut en avançant que « les bad buzz ne sont que très rarement nuisibles pour l’organisme qui les subit et peuvent souvent être perçus davantage comme une formidable occasion dès qu’ils sont réappropriés de manière intelligente, crédible et en phase avec leur environnement » (Ibid, 2015 : 209). Cette conclusion est fort intéressante dans un contexte de professionnalisation des pratiques communicationnelles sur le Web. Il sera donc pertinent d’observer si d’autres organisations emboîteront le pas et quels seront les impacts sur les stratégies numériques des organisations.
Sources
Boussicaud, Ronan et Dupin, Antoine. (2013). La marque face aux bad buzz : anticiper et gérer les crises sur les médias sociaux. Bluffy, Éditions Kawa. 253 p.
Charest, Francine, Alain Lavigne et Charles Moumouni (dir.) (2015). Médias sociaux et relations publiques. Presse de l’Université du Québec. 332 p.
Deleruelle, Quentin. 2016. Bad buzz de New Balance : l’importance du contexte dans la com’. En ligne. URL : http://www.reputation365.eu/analyses-decryptages/bad-buzz-new- balance-limportance-contexte-com/. Consulté le 28 novembre 2016.